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Lucrèce Borgia

Après un franc succès pendant trois saisons, La Comédie-Française remet à l’affiche Lucrèce Borgia de Victor Hugo dans une belle mise en scène signée Denis Podalydès.


© Christophe Raynaud de Lage


En 1832, Victor Hugo, jeune trentenaire et déjà grand écrivain publie à un mois d’intervalle deux pièces complémentaires par leur thématique : Le Roi S’amuse, qu’il adresse à la Comédie-Française mais qui sera censuré par le pouvoir royal et Lucrèce Borgia qu’il fait jouer au Théâtre de la Porte Saint Martin et qui connaîtra un franc succès. Pour la petite histoire, dans cette dernière, le dramaturge proposera le rôle de la Princesse Negroni à celle qui deviendra la plus célèbre de ses maîtresses : Juliette Drouet.



" Eh bien, qu’est-ce que Lucrèce Borgia ? Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d’une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre mettez une mère ; et le monstre intéressera et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux."

- Victor Hugo, préface de Lucrèce Borgia. -

Les personnages sont le parfait exemple du dualisme hugolien. Le dramaturge combine dans un même individu des caractères diamétralement opposés. Pour le rôle-titre, l’auteur déforme l’Histoire et entache la réputation de Lucrèce Borgia, fille du pape Alexandre VI et grande mécène en la transformant en une femme complexe, tiraillée entre la cruauté et l’amour maternelle. Elle voudrait s’extraire de sa condition et faire oublier sa réputation pour devenir digne de l’amour de son enfant. A sa création, le metteur en scène avait misé sur le travestissement ; Guillaume Gallienne jouait le personnage de Lucrèce Borgia et Suliane Brahim celui de Gennaro. Pour les reprise les saisons suivantes, cette idée fut abandonnée et tant mieux ! Elsa Lepoivre a récupéré le rôle principal et son interprétation est absolument magistrale. C‘est certain, si elle avait incarné ce rôle en 1832, c’est d’elle que Victor Hugo serait tombé amoureux.


© Christophe Raynaud de Lage


Autre personnage remarquablement bien joué, celui de son mari Don Alfonse. Ce duc vieillissant et croulant sous la peur de sa femme reprend de la stature lorsqu’il réussit à inverser le rapport de force. Le personnage est interprété par Eric Ruf, l’administrateur général de la Comédie-Française. Très occupé par la gestion de la maison de Molière, il semble prendre immense plaisir à retourner sur scène jouer avec la troupe, il est également le scénographe de ce spectacle. Enfin, plus discret mais tout aussi justement interprété, le personnage de Gennaro, fils de Lucrèce Borgia. Ce héros picaresque bon et loyal, se trouve rattrapé par son destin tel un personnage de tragédie antique et commettra les mêmes horreurs que ses ancêtres. Gaël Kamilindi assure ce rôle depuis son entrée dans la troupe en 2017, campant un personnage naïf écartelé entre la réalité qu’il n’ose imaginer et la représentation qu’il s’est fait de sa mère.



© Christophe Raynaud de Lage


La mise en scène met en exergue ces individus doux-amers en jouant sur le clair-obscur. Tout de noir vêtus, les personnages semblent directement taillés dans la nuit. L’ensemble des décors sont symboliques et stylisés. L’ornement gothique du palais ducal est évoqué par une fine dentelle, la toile de fond abstraite devient un horizon maritime ou un ciel enflammé par un jeu de lumière. La gondole se transforme en un cortège funèbre et les poteaux d’amarrages servent ensuite de supports pour les verres empoisonnés.


100 ans après l'entrée de cette pièce au répertoire du Français, Denis Podalydès offre aux spectateurs une très belle illustration du théâtre Romantique dans une mise en scène sobre, le tout porté par un excellent jeu d'acteur. Voici un très beau spectacle à la hauteur de la prose hugolienne.



Ecoutez l’enregistrement de la pièce par France Culture (Version avec Guillaume Galienne et Sulianne Brahim dans les rôles de Lucrèce et de Gennaro) :


 

Lucrèce Borgia - Comédie Française

1 Place Colette 75001

Du 01 octobre 2018 au 01 avril 2018 Du lundi au dimanche à 20h30

de 7€ à 43€

Si vous n'avez pas la chance de pouvoir aller voir la pièce à la Comédie Française, une diffusion en directe de la salle Richelieu aura lieux le 18 octobre dans plus de 400 salles de cinéma partout en France et des reprises sont prévus jusqu'au 20 novembre.


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