top of page

PAR TAGS : 

POST RÉCENTS : 

L'Hotel du Libre Echange

Jusqu’au 25 juillet prochain la Comédie-Française joue L’Hôtel du Libre Echange de Georges Feydeau et Maurice Desvallières. Cette mise en scène d’Isabelle Nanty souligne avec irrévérence et poésie la dimension enfantine et onirique de ce chef d’œuvre du vaudeville.


© Comédie Française

Bien qu’on y retrouve tout le style de Georges Feydeau, cette œuvre fut écrite à quatre mains avec Maurice Desvallières. Les deux hommes collaborèrent à plusieurs reprises et ils écrivirent ensemble quelques succès tels que Champignol Malgré lui. L’Hôtel du Libre Echange marque la dernière pièce du duo et fut un triomphe dès sa création en 1884. On retrouve la signature de Feydeau dans la critique acerbe de la bourgeoisie et de l’être humain en général. Aucun personnage n’est épargné du ridicule. Il ne cache pas s’inspirer de sa propre vie pour construire ses personnages et il vécut toujours dans un milieu bourgeois ou l’infidélité était courante. Né d’une mère courtisane qui connut intimement Napoléon III, le bruit courait que l’empereur était son géniteur. Aussi, pour fuir son mariage catastrophique, le dramaturge passa ses soirées chez Maxim’s où il aimait observer le Tout-Paris pour mieux le caricaturer dans ses œuvres.


« Sécurité et discrétion ! Hôtel du Libre-Échange, 220, rue de Provence ! Recommandé aux gens mariés…

ensemble ou séparément ! »

Du Libre Echange, G.Feydeau et M.Desvallières, Acte I scène IX


L'intrigue de la pièce se déroule le temps d’une nuit durant laquelle Monsieur Pinglet souhaite mener une relation extraconjugale avec Madame Paillardin, la femme de son ami. Ne sachant pas où aller, ils trouvent l’adresse d’un hôtel borgne sur un prospectus que Madame Pinglet vient de recevoir. Cependant, le hasard fait que Monsieur Pallardin doit y dormir la même nuit pour son travail. Aussi, un ami envahissant, Monsieur Mathieu y trouve refuge pour y loger ses quatre filles et même Victoire, la domestique des Pinglet vient y mener un amour secret avec Maxime, le neveu de Paillardin. Ajouter à cela une descente de police des mœurs et voilà toutes les conditions réunies pour un bon vaudeville où les quiproquos et les coups de théâtre s’enchaînent dans un rythme endiablé.


© Comédie Française

Étonnamment, ce grand classique ne fut jamais joué auparavant par la troupe. Cette mise en scène d’Isabelle Nanty marque donc l’entrée de la pièce au répertoire. C’est également la première fois que Christian Lacroix imagine les décors en plus des costumes. Il fait de l’hôtel un bâtiment à la fois superbe et délabré qui rappelle les maisons de poupées. En s’appuyant sur l’intrigue à la fois absurde et fantastique, la mise en scène et les décors tendent à déshumaniser les personnages, comme s’ils n’étaient que des marionnettes dirigées par l’imagination d'enfants qui jouent avec elles. Ils sont mus par un goût du risque et de l’interdit et même si les couples passent leur temps à se disputer, ils semblent malgré tout être attachés l'un à l’autre. Cette candeur se retrouve également dans les costumes très colorés qui rappellent les vêtements des jouets d’enfants ainsi que par le jeu des comédiens parfois sciemment caricatural.


© Comédie Française

On retrouve également de nombreux renvois au contexte d’écriture de la pièce notamment dans les chansons fredonnées sur scène ainsi que dans les nombreuses références à la révolution industrielle. La structure métallique de la verrière dans l’atelier de Pinglet ainsi que la passerelle et l’escalier dans l’hôtel font écho à l'expansion de la sidérurgie au XIXe siècle. En outre, le « grand bi », ce vélo dont la roue avant est démesurément grande, sur lequel pédale le gérant de l’hôtel au moment fort de l’intrigue rappelle à la fois l’industrialisation du monde et la fameuse « mécanique » des intrigues de Feydeau qu’admirait tant son ami Sacha Guitry : « Faites sauter le boîtier d’une montre et penchez-vous sur ses organes : roues dentelées, petits ressorts et propulseurs. C’est une pièce de Feydeau qu’on observe de la coulisse. Remettez le boîtier et retournez la montre : c'est une pièce de Feydeau vue de la salle – les heures passent, naturelles, rapides, exquises. »



Bien qu’il connut un franc succès dans les théâtres privés, Feydeau fut longtemps méprisé par le théâtre public. En mettant à l’affiche Feu la mère de Madame en 1941, la Comédie Française réalise à titre posthume le souhait de l’auteur qui rêvait d’être joué dans ce théâtre qu’il admirait. Ces vingt dernières années, les mises en scène des pièces du dramaturge se multiplient et certaines furent remarquables. Avec L’hôtel du Libre Echange, Isabelle Nanty et Christian Lacroix rendent un très bel hommage à cet auteur prolixe en proposant, sans trahir le texte, une mise en scène onirique et poétique. Un spectacle à ne pas manquer !


Un extrait de la pièce

 

L'Hotel du Libre Echange - Comédie-Française

1 place Colette, 75001

du 02 avril 2019 au 25 juillet 2019 Du lundi au dimanche à 20h30 Matinées le week-end à 14h00

de 05€ à 42€

bottom of page