La Peur
Pour la troisième saison consécutive, le Théâtre Michel met à l’affiche La Peur, une très belle adaptation d'une nouvelle de Stefan Zweig par Elodie Menant.

Ecrite et publiée au début du siècle dernier, cette œuvre du célèbre nouvelliste Stefan Zweig raconte l’histoire d’Irène, une bourgeoise qui, délaissée par Fritz, son mari avocat, entretient une relation extra conjugale avec Edouard son professeur de piano. Seulement, Edouard aussi est marié et le jour où sa femme apprend leur relation, elle décide de faire du chantage à Irène, lui réclamant d’abord de l’argent puis des biens de plus en plus précieux jusqu’à son alliance, sinon quoi elle révélera à Fritz qu’il est un homme trompé. Irène, s’enfonçant petit à petit dans le mensonge et dans la peur sombre dans l’obsession de cette femme au point qu’elle se demande elle-même si ce maître-chanteur ne serait pas qu’une hallucination issue de son esprit délirant. L’atmosphère devient de plus en plus pesante jusqu’au magistral coup de théâtre qui vient remettre en question la culpabilité de chacun.
« La peur est pire que la punition, car cette dernière est précise ; importante ou minime, elle est toujours préférable à la tension horrible et diffuse de l'incertitude. »
La Peur - Stefan Zweig
Stefan Zweig a fait de l’analyse psychologique de ses personnages sa spécialité. Féru de psychanalyse et grand admirateur de Sigmund Freud, qui lui-même salua plusieurs fois le talent du nouvelliste, il décrit parfaitement les failles psychologiques de ses personnages, leurs névroses et les relations qu’ils entretiennent entre eux. Dans sa mise en scène, Elodie Menant crée une ambiance Hitchcockienne aussi anxiogène que perturbante. Les costumes placent l’histoire dans les années 50 et le décor est constitué de pans de murs montés sur roulettes. Ces mobiles sont déplacés à vue par les comédiens ce qui crée une vraie dynamique. Au cours de la représentation on voit l’espace scénique se réduire, accentuant l’impression d’étouffement. Cette adaptation d’Elodie Menant est d’autant plus brillante que la nouvelle originale ne contient presque aucun dialogue. Elle a su retranscrire la violente destruction psychologique d’Irène et l’acharnement de la femme d’Edouard dans les répliques et dans la mise en scène, conservant ainsi tout l’intérêt de la nouvelle. On y retrouve les réflexions de l’auteur sur la culpabilité, sur la punition et sur le mensonge. Les propos laconiques de Fritz sur la justice et sur sa fonction d’avocat tel que « La peur détruit, la punition apaise » prennent toute leur intérêt une fois que la révélation finale a eu lieu.

Si l 'esprit de la pièce est fidèle à celui de la nouvelle, notons tout de même que l’adaptation s’en détache en certains points. Notamment la relation entre Irène et son mari, Stefan Zweig laisse l'espoir d’un possible pardon dans sa nouvelle alors que le couple semble ne plus pouvoir s’aimer à la fin de la pièce. La réussite de cette adaptation tient aussi au très bon jeu d’acteurs, en particulier celles qui jouent les personnages principaux : Hélène Degy (Irène) et Ophélie Marsaud (le maître-chanteur) le soir où nous y étions.
Cette très belle adaptation de La Peur de Stefan Zweig retranscrit magnifiquement la nouvelle de l’auteur tout en apportant de légères modifications à l’histoire qui proposent une nouvelle compréhension des personnages et de l’intrigue. L’excellent travail d’écriture d’Elodie Menant reproduit parfaitement le visé psychologique de l’auteur et la pièce est portée par de bons comédiens. Un succès mérité.
La Peur - Théâtre Michel
38 Rue des Mathurins, 75008
Jusqu'au 27 avril 2019 Du Jeudi au samedi à 19h00 Le dimanche à 18h00
de 21€ à 31€
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