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Britannicus

Cet article a été publié le 23 juin 2018.

Jusqu’au 01 janvier, la Comédie française joue Britannicus dans une mise en scène épurée signée Stéphane Braunschweig, mettant en exergue la beauté saisissante des vers de Racine.

© Brigitte Enguerand

Britannicus est certainement l’une des plus célèbres pièces de Jean Racine. Elle montre la relation pernicieuse qui lie les membres de la famille du roi Néron, prêts à toutes les trahisons pour récupérer leur part du pouvoir. Le texte, composé de 1768 alexandrins, est d’une puissance extraordinaire. Il est un concentré de l’esprit et de l’élégance du style Racinien. En 1669 lorsqu’il écrit cette pièce, le dramaturge a 39 ans et il est à l’apogée de sa carrière. Certains de ses contemporains lui prédisent même une postérité plus éclatante que celle de Corneille. De 1667 avec Andromaque à 1677 avec Phèdre, il écrira ses pièces les plus célèbres.



Pour sa première collaboration avec la troupe de la Comédie-Française, le metteur en scène Stéphane Braunschweig aborde un répertoire qu’il n’avait encore jamais travaillé : la tragédie classique française. Le défi est de taille, d’autant plus que cette pièce a marqué l’histoire de la Comédie-Française, notamment en 1799 lorsque Napoléon, impressionné par le jeu du comédien François-Joseph Talma, lui offre une couronne de lauriers pour son interprétation du rôle de Néron. Il accompagne son geste d’une phrase solennelle : « Talma, nous faisons l’histoire ».


"JUNIE : Hélas ! dans cette cour Combien tout ce qu'on dit est loin de ce qu'on pense ! Que la bouche et le cœur sont peu d'intelligence ! Avec combien de joie on y trahit sa foi ! Quel séjour étranger et pour vous et pour moi !" Acte V, Scène 1 : (v. 1522-1526).

L’ambiguïté des personnages laisse au metteur en scène une grande liberté d’interprétation. Stéphane Braunschweig fait le choix d'amener la noirceur des personnages à son paroxysme. La soif de pouvoir a pris le pas sur le lien familial qui les lie, chacun est un potentiel danger pour l’autre.


Le décor est démesurément grand et peu chaleureux, il représente une salle de réunion au milieu de laquelle se trouve un table prête à accueillir de nombreux collaborateurs. Stéphane Braunschweig s’est inspiré des salles de congrès des palais présidentiels ou se réunissent habituellement les ministres. La moquette rouge du sol est identique à celle que l’on retrouve dans les couloirs du théâtre, comme si la salle Richelieu était le reste du palais.


© Brigitte Enguerand

Les personnages semblent profondément mal à l’aise dans cet endroit. Ils marquent une distance physique entre eux, même lorsqu’ils dialoguent. Ils craignent à tout instant d’être épiés ou trahis. Cette méfiance est accrue par un jeu de de lumière qui rend les murs tantôt opaques, tantôt transparents. Quant aux vêtements, ils sont on ne peut plus conventionnels, costume noir et cravate pour les hommes, chemisier blanc et veste noire pour les femmes. Ajoutez à cela une attitude stoïque et les personnages prennent l’allure de pièces d’échiquier. Laurent Stocker excelle dans le rôle de Néron. Son personnage est traversé par une colère froide, toute sa folie est intériorisée et se lit dans son regard.



Il n’y a rien d’impressionnant dans ce décor et dans cette mise en scène. Tout est fait pour ne pas dénaturer le génie de la versification racinienne. Dans la première préface, Racine écrit : “Ce qui est échappé aux spectateurs pourra être remarqué par les lecteurs.” Mais, par leur diction parfaite les comédiens rendent l’intrigue, pourtant complexe, absolument clair. Ce respect absolu du texte n’enferme pas pour autant le metteur en scène dans une lecture superficielle. Il a fait le choix de mettre en exergue la tension entre les personnages. Chacun est ambigu et leur loyauté n’est jamais acquise. Presque 350 ans après la première représentation à l’Hôtel de Bourgogne, Britannicus continue de fasciner.

Ecoutez l’enregistrement de la pièce par France Culture :

 

1 Place Colette 75001

Du 08 octobre 2018 au 01 janvier 2019 Du lundi au dimanche à 20h30

de 7€ à 43€

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