La bataille d'Hernani

La bataille qui a eu lieu le 25 février 1830 à la Comédie-Française est … la bataille d’Hernani. Cette bataille littéraire a opposé les anciens - c’est dire les spectateurs opposés au romantisme - aux modernes qui, à l’inverse, les soutenaient lors de la première de la pièce Hernani écrite par Victor Hugo.
Pour bien comprendre pourquoi a eu lieu la bataille d’Hernani, il faut revenir au statut particulier la Comédie-Française. L’une de ses fonctions principales est la préservation du répertoire théâtral français et étranger. Certains spectateurs, les anciens, choqués par les sujets et les règles d’écritures des pièces romantiques, rejetaient l’idée qu’elles puissent entrer au répertoire et être référencées parmi les grands dramaturges des siècles passés. Cette querelle autour du romantisme avait déjà commencé un an auparavant avec Henri III et sa cour d’Alexandre Dumas et avec Le More de Venise d’Alfred de Musset. Cependant, face au succès de celles-ci, les anciens n’ont pas réussi à organiser de cabale. En 1830 lorsqu’Hernani est mis à l’affiche salle Richelieu, les anciens sont bien décidés à se faire entendre. Côté coulisse l’accueil de la pièce est mitigé, même si l’administrateur général Isidore Taylor est un romantique, les comédiens reprochent à Victor Hugo le coût exorbitant de ses décors, costumes et accessoires qu’il veut historiquement exactes.
Le soir de la première, le jeune dramaturge, âgé d’à peine 27 ans, craint l’accueil que le public réservera à sa pièce. Il sait la détermination des anciens à faire échouer sa pièce et se doute que le thème sulfureux du brigandage risque de les choquer. Il demande donc à ses amis romantiques de le rejoindre. Ils entrent dans la salle trois heures avant la représentation et, en attendant l’arrivée du public, mangent, boivent, écrivent et récitent des poèmes… Victor Hugo les informe du déroulé de la pièce et leur dit quand applaudir, quand encourager les comédiens, comment étouffer les sifflements des anciens… puis il les répartit dans la salle. Malgré toutes ces précautions, la représentation fut éprouvante pour les acteurs qui furent en même temps hués et applaudis. Les modernes réussiront finalement à imposer ce courant littéraire qui, jusqu’à aujourd’hui, bénéficie d’une grande estime de la part du public. La Comédie-Française restera tout de même réticente à jouer des pièces romantiques pendant une dizaine d’années. Les modernes se retrouveront pendant ce temps à quelques kilomètres de la grande salle de la Comédie Française, au théâtre de la Porte Saint Martin ou rive gauche, à l’Odéon.